Trail cam : découvrir la faune sans la déranger, comment bien utiliser les pièges photographiques.
Je suis passionné par les animaux depuis tout petit. Très vite, dans l’enfance, j’ai voulu devenir vétérinaire avant de prendre l’embranchement “écologie – faune sauvage” après le secondaire. Pendant toute cette enfance, je me suis abreuvé d’images naturalistes : des livres, dans tous les genres possibles, jusqu’aux superbes documentaires de NatGeoWild. Mon rapport à la nature était surtout imaginaire et virtuel. Certes, nous faisions beaucoup de balades en famille. Mais mon rapport à la faune était très centré sur celle qui cohabite avec l’humain : les animaux de ferme, et ceux de compagnie. Imaginez, j’ai découvert à 23 ans, 5 ans après avoir quitté le nid, que plusieurs terriers de renards se situaient à moins de 500m de la maison…
Je n’ai vraiment découvert les merveilles des sous-bois que très tard, pendant mes études d’ingénieur naturaliste en Bretagne. C’est à ce moment-là que j’ai compris à quel point on m’avait menti : la faune sauvage ne pullule pas autour de nous. Et c’est vrai… Les renards observés depuis que je m’en souvienne se comptaient sur les doigts d’une main. Les probabilités de croiser cerfs, martres, marcassins, paons du jour ou mantes religieuses pendant la balade digestive entre bois et champs sont très, très faibles. Bon, et puis j’ai glissé. Je suis tombé dans la marmitte de la quête de la faune sauvage.
L’un des outils qui m’accompagne depuis le tout début, et qui m’a permis de découvrir la diversité des animaux qui m’entouraient, ce sont les trail cams, ou pièges photographiques. Notez ceci pour la suite : j’utilise naturellement le terme de piège photographique. Et c’est le terme qui reviendra le plus souvent par la suite. Croyez-moi, je suis complètement opposé à la chasse, sous toutes ses formes en France. Je ne consomme pas d’animaux et je promeus l’abolition de toute forme de cruauté envers la faune, sauvage ou non. Voilà qui devrait suffire : je parle bien de “piège”, mais qui ne fera aucun mal physique à l’animal — un piège photographique !
Dans cet article, je vous propose de découvrir :
Ce qu’est un piège photographique et comment il fonctionne.
Les différents usages possibles.
Quelques conseils pour l’utiliser de manière responsable et éthique.
Des astuces techniques pour obtenir de belles images.
Enfin, un point sur la légalité et la sécurité de cet outil.
Qu’est-ce qu’un piège photographique ?
Un piège photo est un boîtier autonome qui combine un capteur photo/vidéo, un système de détection de mouvement (PIR), des LEDs infrarouges pour la nuit, un écran de contrôle et un espace de stockage (carte SD). Le principe est simple : lorsqu’un animal passe dans le champ de détection, l’appareil déclenche automatiquement une photo ou une vidéo.
Il existe une multitude de marques et de modèles qui se distinguent par leur qualité et les options qu’ils proposent. Cet article ne vise pas l’exhaustivité, mais plutôt à débroussailler le sujet complexe des pièges photo. Parmi ceux que je connais et que j’utilise, je distingue notamment 3 manières de les catégoriser :
Par leur positionnement en gamme, leur niveau de qualité :
Entrée de gamme (<100 €) : abordables, pratiques pour se lancer, avec une qualité d’image correcte mais limitée.
Milieu de gamme (100–150 €) : un bon équilibre entre prix, robustesse et qualité. Exemple chez IPLN.
Haut de gamme (>200 €) : destinés aux usages scientifiques ou professionnels, avec des capteurs très sensibles et des options avancées. Exemple chez IPLN.
Par le type de LEDs :
LEDs blanches → belles images, mais fort dérangement des animaux (comme un flash).
LEDs rouges → plus discrètes, elles présentent un compromis correct, mais beaucoup d’animaux les perçoivent encore.
LEDs noires (infrarouges invisibles) → encore plus discrètes, elles réduisent le dérangement et sont idéales pour la faune sensible. Je n’utilise que ceux ci aujourd’hui.
Notez ce point : nous souhaitons que les animaux ne détectent pas ces pièges pour éviter tout dérangement. Mais il faut aussi penser à une discrétion encore plus importante vis-à-vis… des humains !
Pièges connectés ou non :
Piège sans SIM : pour découvrir les images, il faut se rendre sur place, vider la carte SD et consulter les fichiers.
Piège avec envoi SMS/MMS : en cas de détection, la caméra envoie une photo sur un téléphone portable enregistré.
Piège 4G : similaire, mais les images sont envoyées cette fois via une application dédiée. Exemple de deux modèles : Zeiss ; Spypoint
Pour ces deux derniers types, il faut en plus un abonnement annuel ou mensuel pour l’envoi des données. Ces forfaits sont en général assez chers : autour de 10 €/mois.
Pourquoi utiliser un piège photo ?
Ces caméras répondent à des besoins très divers de publics tout aussi divers. Chaque outil peut répondre à des envies et besoins précis :
Scientifiques : inventaire d’espèces, suivi des populations, études de comportement.
Photographes : préparer un affût, repérer les déplacements, connaître les habitudes d’un individu précis.
Propriétaires : surveiller un jardin, des espaces verts, des terrains ou bois privés.
Naturalistes amateurs : découvrir la faune de son jardin.
Pour les chasseurs également, les pièges photo sont très utiles… c’est sans doute même leur utilisation principale en volume d’appareils vendus. Comme beaucoup d’équipements outdoor. Je vous laisse découvrir le rayon chasse de Décathlon par exemple… Mais rappelons-le ici : les animaux, on les préfère vivants, et tuer pour du simple loisir, c’est immoral.
Personnellement, j’utilise ces caméras avant tout par curiosité naturaliste : savoir ce qui vit autour de moi, comprendre les habitudes des animaux, et parfois préparer un affût photo. C’est aussi un formidable outil de sensibilisation à la biodiversité locale.
Exemple : une chouette hulotte chasse une fouine, prédateurs des oeufs et poussins
Une question d’éthique : observer sans déranger
Selon moi, un piège photo n’est utile, efficace et intéressant que s’il respecte scrupuleusement la faune. Aucune image ne vaut le dérangement d’un animal. Comme en photographie animalière, de manière générale.
Quelques principes de base :
Ne jamais placer l’appareil directement sur un terrier, une tanière ou un site de reproduction. Votre odeur restera sur le boîtier et pourra alerter les animaux, très sensibles à cela. Certains pièges sont conçus pour être installés près de nids d’oiseaux avant l’installation d’un couple, mais cette utilisation doit être très encadrée, voir cet article.
Préférer mettre vos boîtiers non loin de coulées (chemins empruntés régulièrement par les animaux), mais éviter de les mettre directement dessus, pour les mêmes raisons qu’au-dessus.
Relever son piège discrètement, de préférence en milieu de journée, hors des horaires d’activité des animaux. Et ne pas y aller trop souvent : si les animaux sont présents, c’est qu’ils s’y sentent en sécurité (notamment loin des humains).
Ne pas utiliser d’appâts ou d’odeurs artificielles : en 2025, ces pratiques doivent définitivement disparaître.
Limiter sa présence sur place pour ne pas alerter les animaux.
Correctement utilisé, le piège photo est bien moins intrusif qu’un photographe en affût prolongé. C’est un moyen d’apprendre à mieux connaître la faune, sans modifier son comportement.
Voici 6 mois de pièges photographiques sur une souche d’un domaine privé :
Conseils pratiques pour de belles images
Pour maximiser vos chances d’obtenir des images intéressantes :
Choisir le bon modèle : privilégiez un bon compromis entre résolution (12–20 Mpx suffisent), vitesse de déclenchement et étanchéité (IP64 ou plus). Mon erreur a été d’acheter beaucoup de pièges bas de gamme. Mieux vaut en acheter peu, mais de meilleure qualité, notamment par souci de sobriété.
Bien placer le piège : si possible à hauteur de l’animal visé, légèrement incliné vers le bas, orienté nord-sud pour éviter le soleil direct. Et surtout, toujours en respectant les animaux. Viser des sites intéressants pour l’animal peut vous permettre d’obtenir des images de comportements. Par exemple au niveau d’une mare forestière, près de certaines souches. Mais pour cela, il vous faudra d’abord ouvrir les livres naturalistes et en apprendre plus sur le comportement des animaux.
Éviter les obstacles : branches ou herbes devant le capteur déclenchent de nombreux faux positifs. On s’en rend souvent compte seulement au dérushage…
Sécuriser le matériel : mot de passe, cadenas ou câble antivol pour éviter le vol. Les antivols de vélo sont très efficaces. Rien n’arrêtera en revanche un forcené déterminé. Pour ma part : 2 vols et une casse en 5 ans.
Entretenir régulièrement : changer les piles (par 4 si possible : sinon la caméra se remet à 0), relever les cartes mémoire, vérifier l’état général. Elles se salissent très vite en forêt. J’apprécie utiliser les piles rechargeables, notamment vu le nombre de pièges que j’utilise parfois en même temps… Acheter une vingtaine de piles toutes les semaines n’aurait pas de sens.
Est-ce légal ?
Deux points de loi sont importants à considérer : le droit d’installer un objet sur un terrain, et le droit à l’image.
Installer un piège photo :
En France, la législation est plutôt floue, mais quelques règles simples s’imposent. En théorie, il faut l’accord du propriétaire du site où vous installez votre caméra :
Sur terrain privé : accord du propriétaire obligatoire.
Sur terrain public : la plupart du temps, les arbres appartiennent à la commune ou à l’État → se renseigner auprès de la mairie.
C’est pour la théorie. En pratique, vous ne souhaiterez probablement pas demander une autorisation à chaque déplacement en forêt. Mais si vous ne demandez aucun accord, sachez que votre caméra peut être retirée ou démontée.
Attention aux zones sensibles (industrielles, militaires, sites protégés).
Le droit à l’image :
Ne jamais diffuser d’images de personnes reconnaissables sans leur accord.
De mon côté, j’essaie autant que possible d’obtenir les autorisations des propriétaires. C’est le cas pour quelques privés, mais aussi pour certaines communes. Sans vous mentir, oui, il m’est arrivé de poser une caméra en forêt communale ou domaniale sans autorisation. Mais je ne le conseille pas !
J’ai souhaité recueillir l’avis d’un collègue très habitué à ces outils, qui a bien voulu partager ici son expérience.
L’avis de Théo Bonnefous
Il y a presque dix ans, quand je faisais mes premiers stages en BTS Gestion et Protection de la Nature, j’ai eu la chance de partir dans un parc national en Europe du Nord. À peine arrivé, l’équipe venait de recevoir de nouveaux pièges photos.
Tout content, je déballe une boîte remplie de Browning Spec Ops Advantage. Surexcité, je les dépose sur le terrain et, quelques semaines plus tard, je découvre que ces modèles fonctionnaient à merveille : aucune fausse détection, des vidéos nettes, un son de qualité… le top !
De retour en France, lors de mon premier CDD en tant que chargé d’étude faune, je retrouve ces fameux pièges Browning, venus remplacer les anciens Bushnells, désormais dépassés.
En 2023, j’ai décidé de m’équiper personnellement avec les derniers modèles : quelques HP5, un Spec Ops Elite HP5 (LED noires) et un Recon Force HP5 (LED rouges). Déjà de très bonne qualité, le Recon Force se démarque par sa puissance lumineuse, mais son bémol reste la visibilité des LEDs par certaines espèces. J’en ai fait l’expérience avec les grands mammifères les plus attentifs comme les ours, les loups ou les cerfs. D’autres, en revanche, n’y prêtent aucune attention : blaireaux, genettes, martres, rapaces nocturnes…
Aujourd’hui, je privilégie presque toujours les modèles à LED noires en forêt, sauf cas particuliers. La qualité d’image reste en deçà de la 4K de nos boîtiers photo, mais la fiabilité est incomparable. J’ai testé beaucoup de marques et, honnêtement, aucune n’atteint Browning sur ce point. Peut-être Reconyx, mais à plus de 500 € l’unité, ça reste un gros investissement pour un piège photo destiné à la forêt.
À mon sens, mieux vaut posséder 2 ou 3 caméras fiables que 10 modèles bas de gamme achetés sur des sites douteux. Avec le boom du dropshipping, on retrouve énormément de pièges “no name” vendus sous des marques différentes, souvent fabriqués par les mêmes fournisseurs. Certaines feront l’affaire un temps, mais les défauts apparaissent vite. J’ai par exemple testé une marque qui m’avait envoyé 10 pièges : au bout de 6 mois, aucun ne fonctionnait encore. À l’inverse, mes Browning datent parfois de 2015 et tournent toujours comme au premier jour, malgré le froid, la pluie ou d’autres conditions difficiles.
J’utilise aussi des modèles Browning GSM, très fiables eux aussi. Le problème reste le coût : environ 15 € par mois et par caméra pour recevoir 150 photos. Avec 4 ou 5 caméras, la facture grimpe vite, ce qui rend ce système peu réaliste à long terme.
À l’avenir, j’aimerais tester les nouveaux modèles de SpyPoint ou encore les caméras Zeiss, dont j’entends beaucoup de bien.
Conclusion
Les pièges photographiques sont de formidables outils pour mieux connaître la faune, à condition de les utiliser avec beaucoup de responsabilité. Ils ouvrent une fenêtre sur le monde extérieur comme aucun autre outil et nous rappellent que les animaux vivent tout près de nous, et qu’il est possible de les observer sans les déranger.
Je suis convaincu que ce type d’appareil est un bon outil pour éveiller le grand public à la faune locale, qui est à protéger elle aussi. La sixième extinxion de masse du vivant concerne également les animaux communs. Si ces pièges photos font de vous des gardiens de la nature… alors foncez ! Qui sait, peut-être que la prochaine surprise devant votre objectif sera un renard, un blaireau… ou un animal que vous n’auriez jamais imaginé croiser.
Très belle journée à toutes et tous !
À bientôt !
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