Deux oiseaux pour trouver votre chemin ? Biodiversité de la Réunion partie 1.

Des oiseaux et des légendes

On les retrouve au-dessus des plus hautes cimes d’arbres, sur les rivières, en mer ou à flanc de montagne. Ils sont presque toujours plus hauts que nous, inatteignables, à l’instar des dieux. En revanche, les oiseaux, eux, on les entend piailler !

Les animaux à plumes ont attiré les yeux de tous les rêveurs de l’histoire. Ils font ce que tout humain désire au plus profond de lui : tendre les bras et voler. Hermès, Icare, l’Archange Saint-Michel, ou même Cupidon : nous nous rêvons avec des ailes, à voyager vite et découvrir le monde d’en haut. Notre imagination et notre créativité sont sans limites, et pour beaucoup de nos tétrapodes ailés, on retrouve une histoire, une légende associée.

Cet article est collaboratif, je vous prie d’accueillir ici Corentin Gruwier, passionné de biodiversité et compagnon de projet sur le documentaire du Papangue à La Réunion, pour vous parler aujourd’hui de deux espèces.


Direction l’hémisphère Sud, à l’est du Mozambique, près de sa grande sœur Madagascar et perdue dans l’océan Indien : l’île Bourbon et ses quelques oiseaux.

Indigènes et endémiques

Sur l’île, des espèces d’horizons variés cohabitent. Si l’imaginaire collectif plante un décor exotique et une variété immense d’oiseaux, un Éden aux mille couleurs, la réalité est un peu différente. Ces dernières années, on observe autour de 70 espèces d’oiseaux sur l’île — contre près de 600 en France métropolitaine.
La Société d’Études Ornithologiques de La Réunion (SEOR) liste notamment 12 espèces indigènes et 9 endémiques.

Mais quelle est la différence entre indigène et endémique ?

  • Une espèce est indigène lorsqu’elle est présente naturellement sur un territoire.

  • Elle est endémique lorsqu’elle est inféodée à une aire restreinte, et uniquement présente là.

Ainsi, une espèce endémique est forcément indigène.
Mais une espèce peut être indigène sans être endémique : le renard roux est indigène en France, mais on le retrouve naturellement dans toute l’Eurasie. Il n’est donc pas endémique chez nous. Et comme il a été introduit en Amérique du Nord, il n’y est même pas indigène.

Corentin vous présente ci-dessous une espèce indigène, illustrée par ses photographies, et je me charge d’une espèce endémique dans la suite.

L’oiseau la Vierge

Aussi appelé Terpsiphone de Bourbon ou encore gobe-mouche de paradis de La Réunion (Terpsiphone bourbonnensis), c’est un passereau. Et chez les passereaux, c’est un gobe-mouche : un insectivore qui chasse à l’affût, depuis une branche.

Oiseau la vierge, par Nicolas Dubois (au 80mm !)

Cet oiseau vit dans les forêts denses de La Réunion et au fond des ravines — ces vallées abruptes creusées par les torrents lors de la saison des pluies.

Haut en couleur, j’ai rarement vu un oiseau aussi beau. Ils viennent souvent par deux, car ils vivent en couple. Le mâle se distingue par ses teintes plus saturées : bleu nuit et roux. La femelle, elle, se reconnaît à sa tête plus grisée.

Oiseau la vierge, par Nicolas Dubois

Très territorial, cet oiseau… ne vous en faites pas, il viendra à votre rencontre !
Jusqu’à franchir votre espace vital : nous l’avons vu plusieurs fois s’approcher à 40 cm de nos visages, voletant de branche en branche dans l’environnement fermé de la forêt primaire.

La légende autour de son nom nous est contée par le photographe réunionnais YabAlex (et rapportée ainsi sur le site de la SEOR) :

« Un jour, Ti Jean [le “Toto” réunionnais] part se promener en forêt avec une cage à la main [le braconnage d’oiseaux était courant sur l’île], espérant la remplir de beaux oiseaux. Il enduit des branches de colle et attrape vite une cage pleine. Mais bientôt, il se rend compte qu’il est perdu… Apeuré, il prie la Vierge de l’aider. Elle apparaît, à une seule condition : qu’il relâche tous les oiseaux capturés. Ti Jean obéit, et guidé par l’Oiseau la Vierge, retrouve sa maison. »

Oiseau la vierge, par Nicolas Dubois

Le noddi brun

Chaque année, au début de l’hiver austral, les Réunionnais ont la chance d’assister au retour d’un visiteur fidèle : le noddi brun.

Aussi appelé macoua en créole réunionnais, c’est un oiseau marin de taille modeste, environ 80 cm d’envergure.
Espèce pélagique, il passe la majeure partie de sa vie en mer. Mais à l’approche de l’hiver, les couples reviennent sur les côtes pour pondre un unique œuf. Indigène, on estime sa population nicheuse à environ 200 couples à La Réunion, principalement installés sur les falaises volcaniques du sud de l’île, battues par les vagues.

Noddi brun, par Corentin Gruwier

Si je devais le décrire en un mot : élégant. Son plumage brun foncé tirant vers le gris se fond dans les paysages de basalte noir. Sa calotte blanche et le liseré clair autour de ses yeux lui donnent une allure raffinée, presque maquillée.

En vol, sa silhouette sombre glisse avec grâce au-dessus des vagues, jouant à cache-cache dans les creux. Ce vol bas lui permet de repérer poissons et calmars chassés vers la surface par les prédateurs marins. Lorsqu’un banc est localisé, les noddis se rassemblent parfois à plusieurs centaines, voire un millier, pour pêcher ensemble ! Une coopération qui attire l’attention des pêcheurs : leur présence signale souvent du poisson.

Noddi brun, par Corentin Gruwier

Lui aussi est entouré de croyances : tout comme l’oiseau la Vierge, il était considéré comme porteur de présages. S’en prendre à lui pouvait, au XIXe siècle, attirer le malheur.

On a longtemps cru que la capacité à ressentir des émotions — deuil, attachement — était réservée à l’humain. Pourtant, les macouas sont monogames, unis pour la vie, et présentent des comportements sociaux complexes.

Chez d’autres oiseaux marins, comme l’albatros, on a même observé des signes de joie lors des retrouvailles… et de tristesse lors de la perte du partenaire.

Sommes-nous vraiment si uniques ?
Ou simplement une espèce parmi d’autres, partageant avec elles bien plus que nous ne l’imaginons ?

Noddi brun, par Corentin Gruwier

Un film sur ces espèces : documentaire sur le Papangue

Nous espérons pouvoir réaliser un film sur un oiseau légendaire : le Papangue.
Les oiseaux que nous vous avons présentés ci-dessus feront partie du film, et nous sommes aujourd’hui à la recherche de partenaires et de soutiens financiers.

Si jamais vous avez en tête une entreprise ou un organisme auquel nous n’aurions pas pensé… surtout, n’hésitez pas à nous en parler.

Merci à toutes et tous pour la lecture de ce petit article, et merci à toi Corentin pour ta collaboration.
Je vous invite à découvrir son travail et à vous abonner ici : Compte instagram de Corentin.

À bientôt !

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